Montée au col du Meitin pendant la haute-route Chamonix ZermattLa haute-route Chamonix Zermatt est déjà une belle aventure en été. Mais avec un parcours original par Valsorey, le col du Meitin, puis le glacier du Giétro, et avec des clients sportifs et enjoués, cette semaine s'est transformée en belle épopée.

 

 

 



1er jour : Village et glacier du Tour, col supérieur du Tour, glaciers de Trient et d'Orny, cabane d'Orny.

 En début de saison, il n'est pas rare de faire la haute-route avec encore de belles quantités de neige résiduelle de l'hiver. Mais le 21 juin, jour de l'été, il était tombé quelques centimètres de neige bien fraiche, dès le départ du village du Tour au sommet des remontées mécaniques de Charamillon, et une bise froide soufflait. Le temps étant annoncé plutôt bon, nous sommes partis sans soucis pour cette longue et mythique aventure, dégustant au passage un fantastique barbecue au refuge Albert 1er (merci Claude), puis passant un peu lourdement le col supérieur du Tour, avant de digérer enfin sur le glacier de Trient. Le temps de ce premier jour avait permis de bien belles vues sur les hauts sommets dun secteur : Chardonnet, aiguille du Tour, aiguilles Dorées, et nous étions déjà bien émerveillés à notre arrivée à la cabane d'Orny.

 

2ème jour : cabane d'Orny, Champex - Bourg St Pierre (liaison taxi), cabane Valsorey.

Le lendemain, après nos adieux aux très accueillants gardiens d'Orny, Patricia et Raymond, le mauvais temps nous a pourtant rattrapé, avec des rafales de petits grêlons et de neige avant le sommet du télésiège de Champex.
Le temps de nous sécher et de prendre un petit déjeuner, et Jean-Claude nous amenait en taxi au pied de la 2ème portion du jour: la montée à la cabane Valsorey. Le beau temps est prévu ! Certes cette affirmation optimiste nous allait, mais les nuages restaient quand même bien accrochés. Et malgré de beaux moments de soleil pour apprécier la flore du vallon menant au Grand Combin et au Mont Vélan, la neige chassée en rafale pour la dernière heure de la longue montée à la cabane ressemblait fort à du mauvais temps ! Éprouvants passages à près de 3000 m d'altitude, que Karine a trouvé "moyens" (en belge dans le texte).

Bref, c'était plus qu'il n'en faut pour nous faire apprécier la douceur du poêle, et le bon petit vin rouge que notre sherpa de service, alias Philippe, nous avait amené. En effet le refuge non gardé avait demandé d'organiser un repas aux chandelles, ce qui a du laisser des souvenirs ! Merci à Philippe d'avoir répondu présent pour nous accompagner sur cette étape et jouer le rôle du cook.

3ème jour : cabane Valsorey, col du Meitin, glacier de Corbassière, cabane Panossière.

La tempête s'est prolongé assez tard dans la soirée, amenant près de 50 cm de neige fraiche ! ça c'est du beau temps comme on aime. Gilles et moi cherchons nos skis au petit matin, et nous rappelons que nous sommes en été depuis l'avant-veille. Mais le beau temps est revenu, le massif du Mont Blanc et le Mont Vélan sont ce matin d'une grande pureté. Nous démarrons lentement la montée au col du Meitin, soucieux de l'état des pentes et du danger imprévu d'avalanche. Le rythme des pas, et la "châle" jusqu'aux genoux, met quand même une bien belle ambiance à ce secteur sauvage.
Finalement cette neige très légère n'est pas si ventée, et a coulé en partie dans la nuit : nous atteignons sans soucis, mais pas sans effort, le col du Meitin à 3600 m, au pied du Grand Combin, dans la plus grande solitude. Le glacier de Corbassière, immense, se déroule à nos pieds. La pente au départ est assez raide et bien glacée, elle oppose quelques problèmes à certains de nos clients, qui auraient mérité un peu de pratique ! Malgré plusieurs essais nous n'arrivons pas à faire disparaître Jean-Philippe dans la rimaye, et Yves tente une descente tête en bas, vite arrêtée par la corde (et surtout la neige fraiche). L'humeur est "très gaie"pour dévaler les grandes étendues du glacier de Corbassière, aux allures peu communes dans les Alpes : les séracs de la face nord du Grand Combin offrent des vues impressionnantes. Nous rejoignons la cabane de Panossière, peu fréquentée et au gardien très accueillant, après une étape exaltante.

4ème jour : col des Otannes, barrage de Mauvoisin, montée par le glacier de Giétro, col de Cheilon, cabane des Dix.

Là on doit faire une grosse étape. Le programme est prévu pour des très bons marcheurs (GR20, Tour du Mont-Blanc, etc...), mais nous ne savons pas si cette étape, avec plus de 10 h de marche et 1600 m de dénivelé positif, sera adaptée. Heureusement il fait très beau, la montée et les névés de la descente des Otannes sont vite et gaiement avalés, avant de trouver la descente (1000 m) sur le barrage de Mauvoisin plutôt longue ! D'autant que nous voyons face à nous la longue et très raide remontée au glacier de Giétro, impressionnante... Après un bon repos au barrage de Mauvoisin, nous rejoignons ce sentier original, qui commence par des échelles et une vire digne d'une via ferrata dolomitique ! Puis le sentier est vraiment magnifique, raide et régulier, entouré de cascades et serpentant dans une flore multicolore, il domine le lac de Mauvoisin, face au Tournelon Blanc. Tous les étages de la montagne semblent se donner le mot pour nous en mettre plein la vue.
Mais plus haut le sentier se perd (à moins que ce ne soit nous !). Gilles et moi voyons bien des câbles très raides à droite, mais il me semble que le passage est plus haut. Effectivement, pour franchir le ressaut presque vertical qui défend l'accès aux pentes supérieures, on peut prendre les câbles, ou bien choisir un vague chemin tout en traversée, ou bien encore tenter la "variante des belges", passage bien raide, où l'usage des crampons, même dans l'herbe, pourra s'avérer utile. Nous avons donc raté le passage, sommes passés trop à gauche, mais sommes finalement bien arrivés au dessus des difficultés, sur un tapis de verdure tout plat où "la main de l'homme n'a jamais mis le pied" ("Le Schtroumpf cosmonaute" - Peyo).

Après la pause méritée, et malgré une petite couche traitresse de neige fraiche sur l'herbe couchée, nous rejoindrons sans encombre le monotone glacier du Giétro, écrasé de soleil. C'est à cet endroit que la force du groupe, et la robustesse des participants, m'apparait vraiment. Arrivée à la cabane des Dix après 11 h de marche, fatigués mais heureux d'avoir fait cet belle et très longue étape.

5ème jour : traversée du Pigne d'Arolla, cabane des Vignettes.

Cette étape faisait figure de journée de repos, après le marathon de la veille. Si certaines jambes étaient un peu douloureuses, ce fut quand même une matinée tranquille, dans un temps encore très lumineux, permettant d'apprécier depuis le plus haut point de la haute-route (Pigne d'Arolla, 3796 m) presque tous les plus hauts sommets des Alpes : Weisshorn, Dent Blanche, Grand Paradis, Mont-Blanc... Le Cervin en a profité pour faire sa première apparition, remarquée, avec sa forme "pointe-épaule" caractéristique. Après avoir bien profité du sommet, une descente rapide vers la cabane des Vignettes nous a donné l'occasion de tester une nouvelle fois les techniques de neige (molle) : du progrès, mais peut mieux faire ! C'est vrai que rien ne vaut une bonne école de glace pour se sentir ensuite à l'aise en crampons dans tous les terrains. Tout le monde a quand même été récompensé par des röstis de taille gargantuesque au refuge, avant une sieste du même accabi.
 
6ème jour : Vignettes,  col de l'Evêque, haut-glacier d'Arolla, cabane Bertol.
Le temps un peu douteux du matin a fait place à de belles éclaircies, nous avons donc décidé de traverser "par en haut", la chance semble être avec nous. En effet le col de l'Evêque nous trouvera en plein soleil, déjà chaud à 9 h du matin, avec de belles vues vaporeuses sur la Dent d'Hérens.
L'ambiance est festive, les guides disent que "ça sent l'écurie". J'ai dit aussi que ça sentait un peu le poney, mais je ne voulais pas parler de la même chose. Il faut dire que les douches ont été rares depuis le début, environ 3 au total pour l'ensemble du groupe (les 3 filles bien sûr), prises en catimini à la cabane des Dix (douche panoramique avec vue sur la Luette).
Du fait, la douche, mélange d'eau glacée et de neige, que nous prenons à travers nos vêtements imperméables pendant la montée à la cabane Bertol, contribue plutôt à transformer l'odeur de poneys en odeur de chiens mouillés !
Nous apprécions la nouvelle gardienne, Anne-Marie, venue de France pour tenir ce refuge difficile. Nous profitons de la dernière soirée dans ce petit havre de paix en pleine haute-montagne, avant de finir notre périple. Pendant la vaisselle (les guides en refuge essuient la vaisselle, cela nous donne l'occasion de dire à nos épouses au retour de course : "non chérie pas ce soir, je t'en prie, j'ai essuyé la vaisselle pendant une semaine"), nous apprenons à connaître un peu mieux nos collègues rejoints depuis 3 jours et qui font maintenant route commune avec nous.
 
7ème jour : pas de chance pour la météo, descente à Arolla et retour.
Le temps n'était pas toujours fameux depuis le début, mais nous avait permis de franchir chaque étape dans des conditions correctes. Ce matin la petite perturbation de la veille s'attarde, 3-4 heures de décalage qui nous empêchent de traverser vers Zermatt, et nous oblige à redescendre versant Arolla pour clore le séjour. Nous ne verrons donc pas la Tête Blanche de Bertol, et l'impressionnant glacier du Stöckji. Qu'importe ! Tout le monde aurait bien sûr largement mérité de finir dans l'autre capitale de l'alpinisme, mais rien n'enlèvera les moments forts partagés durant toute la semaine, très sportive et intense, le long de ce parcours mythique.

Un grand merci aux gardiens de refuges, qui se sont surpassés cette semaine, à notre taxi du Grand Saint-Bernard toujours très arrangeant et courtois, à Philippe et à Gilles les spécialistes de la fonte artisanale de la neige en refuge, et surtout à nos sympathiques clients belges dont la bonne humeur n'a d'égal que la robustesse : China, David, Jean-Paul, Jean-Philippe, Karine, Nathalie,Yves. Merci et bravo !

Sous la face Nord du Chardonnet avant de monter au col supérieur du Tour pendant la haute-route chamonix ZermattLe barbecue au refuge Albert 1er au départ de la haute-route chamonix ZermattLe glacier de Giétro pendant la plus grosse étape de la semaine entre Chamonix et Zermatt