Au sommet de l'aiguille d'ArgentièreAprès le pointe Isabelle en 2009, nous avions choisi cette année l'ascension de l'aiguille d'Argentière, sommet massif à la vue imprenable sur plusieurs faces Nord parmi les plus prestigieuses des Alpes.

Toujours bon pied bon œil, Lucien a fêté ses 79 ans. Bien entraîné par une pratique régulière de sports (course à pied, marche, vélo), et par quelques jours de randonnée dans le secteur de Saint-Gervais, il pouvait projeter cette ascension majoritairement neigeuse, sur ce beau sommet du massif du Mont-Blanc. Nous avions chacun pensé à ce projet sans nous le dire, la décision fut donc rapide !

Partis des Grands Montets ce 13 juillet, nous avons donc commencé par descendre les grandes pentes du glacier des Rognons, pour atteindre le plat du glacier d'Argentière. En un peu plus de 2h, nous rejoignions sans difficulté le refuge d'Argentière, sur une neige très transformée, formant parfois des sortes de marécages dus aux fortes chaleurs.
En effet depuis déjà 3 semaines le beau temps chaud, parfois orageux, prédomine. Malgré un enneigement encore assez bon sur les glaciers et dans les combes, les faces sont donc déjà très sèches, la neige tombée tardivement au mois de juin n'a pas tenu dans les versants les plus raides, et de nombreuses chutes de pierres se font écho sans arrêt.
Mais je sais la voie normale de l'aiguille d'Argentière en bonnes conditions actuelles, et nous avons pu le confirmer visuellement en accédant au refuge.

Le refuge a été refait en 2009: meilleure isolation, nouvelles toilettes dans une ambiance plus saine, mais le bâtiment reste assez bizarrement conçu, témoignage du travail un peu fou d'un architecte des années 60.le "tracassin" sur le toit du refuge d'Argentière
Sur le toît, le "tracassin" de Daniel Burnier, gardien hors-norme décédé au couloir en Y en septembre 68. C'est lui que les alpinistes écossais Chris Bonington et Doug Scott ont cru entendre errer dans les couloirs du refuge, quelques temps plus tard, alors qu'ils projetaient une hivernale sévère !
Son "tracassin" était une moto aménagée pour circuler sur le glacier d'Argentière, à l'origine pour transporter les denrées du refuge, mais qui a surtout servi à tirer des skieurs... A la disparition de son inventeur, cet engin avait été oublié et  enseveli dans le glacier pendant près de 30 ans, avant qu'il ne réapparaisse et ne soit hissé sur le toît du refuge.

Bien avant 5 h du matin nous sommes déjà en train de nous élever en direction du glacier avec Lucien. Le soleil rasant du matin caresse les fantastiques faces Nord des Droites, des Courtes et de la Verte. Cela me rappelle la même ascension, presque 20 ans plus tôt avec ma sœur Florence, et Pascale Bessière. Je n'y étais retourné qu'au printemps à ski, la remontée du glacier du Milieu me replonge donc dans mon passé d'alpiniste, avec un grand plaisir ! J'observe en particulier le "bolivien", gendarme caractéristique de la rive droite, qui nous avait étonné et rassuré lors de l'ascension de 1991.
Avec de bonnes conditions, nous sommes assez rapidement à la rimaye du couloir final, qui semble en bonnes conditions. En effet nous le remontons régulièrement, et nous sommes les premiers à rejoindre le sommet, vers 8h30.
La vue est magnifique, sur les sommets suisses, et sur toute la partie Est du massif du Mont-Blanc. Juste devant nous les faces Nord du bassin d'Argentière, Triolet, Courtes, Droites, et aiguille Verte, sont toujours aussi spectaculaires.

Au moment où les 3-4 cordées parties du refuge nous rejoignent, après 20 minutes passées au sommet, nous entamons sereinement la descente : la neige est encore bien dure, les crampons mordent bien, les conditions sont parfaites. Nous atteignons ainsi sans encombre et assez rapidement le refuge, pour une désormais traditionnelle omelette préparée par les gardiens accueillants, Fred et Béa.
Le retour est tranquille mais assez long car il faut descendre le glacier d'Argentière, puis contourner une partie très crevassée en suivant un sentier escarpé rive gauche (quelques échelles), avant de finir tranquillement sur les pistes de Lognan. Nous partageons avec Lucien quelques souvenirs de montagne, et échafaudons déjà des projets pour l'an prochain : le Mont-Rose pour ses 80 ans ? Affaire à suivre !
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Comme en 1991, le bolivien veille sur nous
Au sommet de l'aiguille d'Argentière, massif du Mont-Blanc