Montée à Roter Totz, dernier jour du raid à ski autour du WildstrubelDu beau temps et un groupe sympathique pour ce raid autour du Wildstrubel dans les Alpes bernoises, avec quelques moments forts...

Premier jour : n'ai-je rien oublié ? A peser le sac, tout doit-y être ! Il faut tout prévoir bien sûr, surtout l'imprévu ! De quoi faire une réparation de fortune, un peu de pharmacie, une attelle, une peau de phoque de rechange, des gants, des lunettes de rechange, le GPS, etc..., tout cela en plus du matériel habituel de ski de randonnée sur glacier.
Je dois de plus prévoir du matériel supplémentaire pour mes participants : crampons, baudriers, détecteurs de victimes d'avalanches, pelles et sondes...
Enfin je crois que tout y est, j'ai rendez-vous à 11 h à Cluses, nous avons décidé de partir avec 2 véhicules pour 4, car nous récupérerons 2 autres participantes à Martigny, venues en train de Paris. Ouf ! (en fait je devrai repasser à la maison chercher... mes peaux de phoque !).
Tout se passe bien : j'ai plaisir à retrouver Paul et Josette, qui avaient effectué la haute-route Chamonix Zermatt avec moi 3 ans auparavant, et qui débordent de gentillesse. Et Maryse, toujours aussi pétillante, qui les a hébergés en Haute-Savoie. Elle ne fera pas partie du groupe mais a tenu à les accompagner jusqu'au rendez-vous. Maryse était sur la haute-route aussi, et l'année d'après aux 4000 du Mont-Rose avec sa non moins pétillante famille. Paul et Josette ont l'air en forme mais ils sont à la retraite depuis déjà quelques années, se sont-ils bien entraînés ? Nous verrons bien...
Valérie nous a aussi rejoints à Cluses ; elle était de la partie lors des 3 jours d'initiation dans les Aravis. Bonne skieuse, en forme et débrouillarde, je ne me fais pas de soucis pour elle.
Nous continuons notre tournée, en direction de Leukerbad : à Martigny nous retrouvons Nathalie, également "issue" des 3 jours dans les Aravis, excellente skieuse pleine d'entrain, et enfin Marie-Christine, que je ne connais pas, qui a une bonne expérience du ski de randonnée qui date un peu car elle vit désormais à Kourou !
Avec ce groupe disparate mais sympathique, nous rejoignons les remontées de Gemmi à Leukerbad, pour un frugal pique-nique et le bouclage des sacs.
Des filles en forme, en direction de la cabane Lämmeren dans le WildstrubelLa petite télécabine franchit rapidement la barrière rocheuse spectaculaire dominant Loesch-lès-Bains, et nous découvrons enfin le décor de nos prochaines aventures : doux mélange de belles pentes enneigées, de barres rocheuses calcaires et de glaciers d'amplitude modeste. Après une rapide descente et quelques centaines de mètres à plat, un premier raidillon en neige un peu dure me rappelle qu'il faut quand même réviser un peu la technique ! Nous y perdons un peu de temps, mais nous ne sommes pas pressés, et nous rejoignons tout à fait honorablement le refuge de Lämmeren, magnifiquement placé. Pour Valérie et Nathalie ce sera la première nuit en refuge de montagne, et pas le moins confortable : la prestation est impeccable, il y a de l'eau courante (à 2500 m en hiver), les dortoirs sont douillets.

Deuxième jour : nous devons faire l'ascension du Schwarzhorn, beau sommet de 3100 m, assez rapide d'accès, dont les pentes sont bien visibles du refuge. Le temps n''est pas très beau ce matin, quelques nuages accrochent parfois les hauts sommets. Nous nous élevons lentement dans les pentes assez raides sous le glacier de Lämmer, puis plus facilement sur celui-ci jusqu'au sommet. Il ne fait pas très chaud, mais le temps finit par se dégager. Étonnamment de nombreuses personnes ont choisi ce sommet depuis le refuge. Peut-être le temps moyen leur a fait changer leurs projets ? Du sommet du Schwarzhorn, quelques sommets du Valais se dégagent, mais aucune vue pour l'instant sur le Mont-Blanc. Je choisis une variante que je connais, très sauvage, où j'imagine trouver de la bonne neige poudreuse. Direction d'abord plein sud sur de la neige de printemps à peine gelée. Certains éprouvent quelques difficultés, mais la neige n'est pas si facile, il faut avoir le pied léger ! Après un petit couloir en bonne neige de printemps, nous devons remettre les peaux pour remonter une large combe, très sauvage. L'endroit est magnifique, et nous bénéficions d'un ciel dégagé désormais. 150 m plus haut, nous nous apprêtons enfin pour la descente : une pente assez soutenue doit nous conduire 600 m plus bas sur le plat emprunté la veille. La neige n'est d'abord pas facile : croutée un peu par le vent, et alourdie par le soleil et la douceur des jours précédents. Mais rapidement nous atteignons des zones bien protégées : pas de trace et une neige assez profonde mais de bonne skiabilité, quoique légèrement alourdie. Je m'aperçois que le niveau de ski du groupe est très hétérogène, certains s'amusent, d'autres éprouvent certaines difficultés dans cette neige assez physique. J'essaye d'améliorer la position de Paul, 68 ans, qui se met bien trop en arrière et prend des trajectoires très free-ride qui me terrorisent ! Et Josette qui possède la technique, mais appréhende de se lancer, elle enchaîne donc les conversions...Nathalie s'amuse dans les pentes Nord du SchwarzhornNous nous retrouvons enfin en bas et contemplons nos traces : pas si mal ! Reste alors à refaire le petit raidillon de la veille, cette fois avec une bonne trace et pas de difficulté, et nous atteignons le refuge de Lämmeren. pour déguster nos premiers röstis de la semaine.
Paul et Josette ont trouvé la journée difficile, je l'admets en particulier parce que nous avons fait la "variante". En même temps je me rends compte que leur niveau n'est pas celui auquel je m'attendais... Je leur promets que demain sera une journée plus facile.

Troisième jour : La traversée du Wildstrubel représente le point d'orgue du séjour, avec un magnifique sommet, emblématique, puis une traversée d'arête aérienne mais facile, et enfin une longue descente vers Engstligenalp. Le départ matinal (7h), la lente mais régulière montée dans le jour naissant, la magnifique lumière d'une très belle journée de printemps tiennent leurs promesses. L'arrivée au sommet du Mittelgipfel du Wildstrubel (3243 m) est un enchantement, avec une vue panoramique sur de nombreux  géants des Alpes, Mont-Blanc, Grand Combin, Cervin, Weisshorn, Dom... Nous enchainons avec la traversée des arêtes vers le Gross Strubel ; certains passages sont aériens, et nous avons enlevé les peaux pour garantir une bonne tenue des skis, mais de toute façon la trace est bonne. Nous commençons alors la descente prometteuse vers Engstligenalp. Hélas la neige est très travaillée par le vent, et de nombreuses anciennes traces nous privent du plaisir du ski. Nous traversons à droite au dessus des pentes raides, pour rejoindre "Früstückplatz" ; l'heure du petit déjeuner est passée, mais j'apprécie de constater que le passage sous früstückplatz est en bonnes conditions et ne nous posera pas de problème. (L'an passé nous avions avec Pierre choisi une autre solution pour raisons nivologiques : lire le récit du Wildstrubel 2009).
Encordés et crampons aux pieds nous franchissons le passageEncordés et crampons aux pieds nous franchissons le passage : une raide traversée, bien tracée, où certains n'hésitent pas à passer à skis. Mais même Paul le free-rider préfère notre méthode ! Nous chaussons un peu plus bas, et commençons la descente du versant Nord du Wildstrubel.
Rapidement il faut se rendre à l'évidence : la neige qui devait être poudreuse s'est alourdie ces derniers jours trop doux ; de plus il semble que le vent a sévit dans le secteur, ce qui n'améliore pas la skiabilité. Ainsi la descente est difficile, en particulier en altitude. Paul, Josette et Marie-Christine luttent ! Nous trainons un peu longtemps dans certains secteurs, et Josette et Paul doivent faire de grandes traversées et des conversions prudentes. Une petite avalanche de neige lourde nous rappelle qu'il fait décidément trop chaud. Plus bas la neige est meilleure, moins épaisse, mais je perds un peu mon calme, je m'en veux surtout d'avoir mal jugé le niveau de mes anciens clients. Nous avions tout de même fait la haute-route ! J'aurais aussi pu prendre une autre décision avant la descente, peut-être un autre itinéraire aurait-il été mieux adapté ? Mais je ne connaissais pas alors les conditions...
Après quelques nouvelles traversées, nous terminons enfin sur le plat d'Engstligenalp, dans une neige très molle et collante. Il n'est que 14h, mais il fait vraiment très chaud aujourd'hui. Les conditions défavorables n'ont pas favorisé mes participants, mais j'espère que personne n'oubliera la magnifique montée ce matin... En tout cas nous trouvons repos et confort bien mérités au Berghotel Engtligenalp.

Quatrième jour : nous devons rejoindre le Berghotel Schwarenbach, par le passage du Chindbettipass, puis la splendide mais délicate traversée sous les arêtes noires, les schwarzgrätli. J'ai assuré que ce serait "facile", mais Paul à juste titre constate que nos vocabulaires sont assez différents ! Enfin l'ambiance reste bonne, et finalement le groupe franchit chaque obstacle sans accroc depuis le début... Chacun peut être fier, personne n'en doute.
La première montée est longue, et raide à la fin. La neige bien regelée nous demande d'utiliser les couteaux. Je m'active à assurer et rassurer certains passages, dans des pentes qui pourraient paraitre impressionnantes. Nous émergeons au Chindbettipass au soleil, dans une bonne ambiance. Magnifique vue sur le Valais, on ne s'en lasse pas ! Après une brève traversée assez raide, de très belles pentes, en neige bien transformée et facile, permettent à tous de reprendre confiance. Nous contournons le lac du Tälliseeli, l'endroit est sauvage. Après une brève remontée, nous commençons à descendre le vallon d'Ueschene qui conduit à Kandersteg mais parait très peu enneigé.
Le chemin d'été rejoint le col par une vire étroite et exposée, protégée par un câbleJ'ai choisi de passer sous les Schwarzgrätli, magnifique barrière rocheuse, avec un cheminement impressionnant au pied des falaises, pour rejoindre notre hébergement du soir, le Berghotel Schwarenbach. Ce passage impressionne et nous donne un peu de fil à retordre au début, car la neige est dure sous une petite couche de poudreuse. Je trace tant et plus, pour aménager le meilleur itinéraire, jusqu'au pied des falaises. Là, une banquette aérienne mais facile nous conduit au passage clé : le chemin d'été rejoint le col par une vire étroite et exposée, protégée par un câble. Nous nous encordons, et skis sur le sac nous franchissons sans problème ce magnifique passage. La descente se passe ensuite dans la bonne humeur, la neige est largement transformée mais se skie quand même assez bien. Je surprends Paul et Josette à fléchir les genoux et arrondir leur virages, adoptant ainsi la meilleure position pour s'économiser et descendre en sécurité jusqu'au refuge de Schwarenbach. Schwarenbach est un ancien relais, pour les voyageurs qui franchissaient le passage du col de Gemmi, au temps où c'était le passage le plus facile entre le pays bernois et le Valais. Ainsi une ancienne route parfois très spectaculaire chemine entre Kandersteg et Leukerbad. Schwarenbach est devenu depuis un refuge-hôtel de montagne très demandé...
Schwarenbach et son confort, schwarenbach et ses douches, Schwarenbar...

Cinquième et dernier jour : plusieurs options s'offraient à nous. J'ai choisi ce beau belvédère central du massif, Roter Totz. A 2850 m, ce petit sommet de caractère présente de nombreuses possibilités de descentes, dans toutes les directions. Partis dans le brouillard et dans la solitude, c'est par le cheminement intelligent et varié de Rote Chumme que nous avons pris de l'altitude : de rampes en rampes, jamais trop difficiles (quelques pentes raides au départ), nous franchissons les barrières rocheuses calcaires typiques du massif du Wildstrubel, et le soleil nous rejoint enfin près du sommet, la vue se dévoile sur tous les sommets environnants : Rinderhorn, Balmhorn, Schwarzhorn, Daubenhorn, Steghorn, et plus loin les grands sommets du Valais. Paul et Josette nous attendent et profitent d'un moment de répit au pied de la pente finale, et c'est avec Nathalie, Valérie et Marie-Christine que nous atteignons notre dernier sommet du séjour.
la vue se dévoile sur tous les sommets environnants : Rinderhorn, Balmhorn, Schwarzhorn, Daubenhorn, SteghornQuelques photos, et il faut songer à la descente : la neige commence à chauffer, et je tiens à avoir les meilleures conditions pour finir. Les pentes sud nous offrent en effet de belles sensations sur une neige juste "décaillée", c'est à dire attendrie en surface par le soleil.
Une dernière courte montée nous fait rejoindre le point de départ, le télécabine de Gemmi. C'est l'heure du repas, ce sera nos derniers röstis valaisans, bien mérités une fois de plus.
Reste à rentrer. Le moment de la séparation est toujours un peu bizarre. "A bientôt !", "on s'envoie les photos, hein ?". Tout cela est un peu brutal, mais correspond à la réalité du monde moderne, Valérie et Nathalie travaillent dès le lendemain... Marie-Christine rentre à Kourou repue de montagne. Paul et Josette profiteront d'une dernière soirée en Haute-Savoie dans la famille de Maryse.
Chacun peut-être fier de cette semaine, qui n'a pas toujours été "facile", à l'image de la montagne dont les conditions évoluent si vite. Les meilleurs souvenirs se gravent facilement dans la mémoire ; j'aurai pour ma part un souvenir aigu de ce séjour très humain.

Bravo et merci à tous.

Paul le free-riderJosetteMarie-Christine et son Tourloulou (cécoassa ?)Valérie, Nathalie, les filles en forme !